Il faut croire que la gauche a un problème avec le travail, avec la valeur travail, et avec la notion de travail sous toutes ses formes.
Il y a près de quinze ans, elle a imposé aux salariés – qui ne le demandaient pas – la semaine de 35 heures, détruisant de fait la compétitivité des entreprises françaises, démotivant les cadres et instaurant une société de loisirs. La voilà qui se fait désormais la complice de syndicats qui bataillent contre l’ouverture de certains commerces le dimanche ou en soirée. Alors même que les salariés de ces mêmes entreprises souhaitent et désirent ardemment travailler quand ils le souhaitent.
Cette situation est incongrue à plusieurs titres.
D’abord parce que durant des décennies ce sont plutôt les forces de gauche et les organisations syndicales qui se sont battues pour faire reconnaître la «liberté individuelle du travail». Un article du Code pénal rédigé après Mai 68 sanctionne même le fait «d’entraver à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté du travail». Et si la Constitution ne définit pas, noir sur blanc, cette liberté fondamentale, la jurisprudence a donné à cette notion une valeur constitutionnelle. Pour la plus grande satisfaction des syndicats. Ce sont ces mêmes organisations qui ont obtenu devant la justice que le magasin Sephora des Champs-Élysées ferme à 21 heures – ce qui prive 90 salariés d’un travail – et que les enseignes Leroy Merlin, Castorama et Bricorama gardent le rideau baissé le dimanche.
Dans quel monde vit-on lorsque la France qui cherche à créer des emplois empêche, pour des raisons idéologiques, des entreprises de fonctionner et donc de donner du travail à des salariés?
Quelle société nous fabrique-t-on quand ce sont les syndicats – si prompts à s’agiter à la moindre fermeture d’usine – qui se battent pour obtenir la fermeture de grandes enseignes de distribution et la mise sur le carreau de centaine de salariés?
Qui sont ces politiques qui non seulement restent les bras croisés devant des situations aussi absurdes, mais, de surcroît, décident de réduire les avantages offerts aux auto-entrepreneurs? Ce qui va obliger plus de 300.000 d’entre eux à arrêter purement et simplement leurs activités.
Dans quel pays vit-on où, pour inverser la courbe du chômage, on préfère désinscrire 277.500 chômeurs des statistiques plutôt que de s’attacher à créer de vrais emplois?
Notre rapport au travail est l’un des fondements mêmes de notre civilisation.
Il ne s’agit pas, comme le croient certains esprits angéliques, d’une simple question de rendement maximal, de gain optimal ou de néostakhanovisme. Non, cette question constitue l’un des éléments essentiels de la place de l’homme sur cette planète, de sa liberté et surtout de sa capacité à s’épanouir.
Certains objectent qu’une société qui tolérerait l’ouverture de commerces le dimanche serait une société rongée par le matérialisme et la marchandisation. D’autres – les mêmes qui viennent de dénaturer la famille par l’instauration du «mariage pour tous» – affirment que cela va bouleverser les équilibres familiaux.
Pourtant, à la différence des 35 heures, jamais il n’a été question d’imposer par la force le travail dominical ou le travail en soirée. N’acceptent de travailler à ces moments-là – et à des conditions financières très favorables – que ceux qui sont volontaires. C’est la raison pour laquelle il existe déjà en France 8,2 millions de salariés qui travaillent le dimanche, et qui s’en satisfont.
Un pays qui retient les énergies de ceux qui veulent produire, construire ou vendre, est un pays qui protège les individualismes, les rentes aux dépens de la création de richesse pour tous. Un pays qui permet à une petite minorité d’agitateurs syndicaux de faire fermer des enseignes, est un pays qui met en danger ses salariés les moins qualifiés. Un pays qui n’a pas compris que, dans le monde d’aujourd’hui, la seule arme qui compte pour gagner la guerre économique est celle du travail est un pays qui a déjà rendu les armes.
Il y a quelques années, Pierre Daninos écrivait qu’«il n’est pas interdit de penser que si l’Angleterre n’a pas été envahie depuis 1066, c’est que les étrangers redoutent d’avoir à y passer un dimanche». C’était avant que les Anglais n’évoluent et comprennent l’intérêt de libéraliser la plus grande part du champ économique, à commencer par le travail.
Si nos politiques ne sortent pas de leur idéologie et continuent à assassiner le travail, la France sera dans moins de dix ans un territoire peuplé de maisons de retraite, de parcs de loisirs, de commerces désertés et de friches industrielles.
Ce sera la France dessinée par une poignée de doctrinaires .