La spontanéité, c’est bien. Parler à tort et à travers, nettement moins. Cela peut se révéler gênant pour celui qui déballe ses états d’âme comme pour ceux qui l’écoutent. D’où vient cette tendance à se dévoiler ?
Parler plus qu’il ne faut, se “déshabiller verbalement” ou mettre régulièrement les pieds dans le plat est une perturbation du contact avec soi-même, avec les autres et avec son environnement. Toute personne qui raconte sans se censurer est tellement en contact avec ses émotions, ses désirs et ses peurs qu’elle perd le sens de la relation à l’autre. Totalement dans leur univers, les adeptes du franc-parler s’adressent à leurs interlocuteurs sans se rendre compte que ceux-ci ont leurs propres centres d’intérêt.
En fait, leur problème est de ne pas savoir s’adapter à l’autre.
On fuit la solitude de l’être. D’où vient cette difficulté à garder la bonne distance ? D’une incapacité à supporter la frustration existentielle de la solitude. Selon les praticiens de la Gestalt-thérapie, vouloir tout dire est un comportement régressif, une tentative infantile de nier cette réalité humaine : le fait d’être seul au monde, seul face à l’existence, à la souffrance et à la mort. Les psychanalystes, quant à eux, identifient une difficulté à différencier le dedans et le dehors, le moi et le non-moi. En dire trop révèle une certaine confusion entre soi et l’autre, le second étant perçu de manière fantasmatique comme un prolongement du premier. Il n’y a alors aucune rupture symbolique réellement effectuée, les frontières interpersonnelles sont floues.
On mélange fantasme et réalité « Enfants, ces personnes promptes aux confidences n’ont pas pu élaborer leur territoire individuel, leur monde intérieur. Leur espace psychique, avec sa part de secrets nécessaire, ne s’est pas constitué. Ils gardent une difficulté à différencier réalité et imaginaire, objectivité et fantasme. » « Cela peut venir de différentes causes, mais d’un environnement angoissant, menaçant»
On veut toujours plaire. Pour les psychiatres, ceux qui en disent toujours trop souffrent d’un trouble proche de l’hystérie. Leur but inconscient est simple : faire de l’effet, attirer l’attention à n’importe quel prix.
Comme les personnalités hystériques, ils pratiquent la technique de la fuite en avant : « J’en montre le maximum pour être sûr que vous ne me poserez pas de questions sur ce que je ne veux pas montrer ! » Les mots choquants, les propos extrêmes sont un écran de fumée pour empêcher que les autres s’approchent de ce qu’ils considèrent comme leurs failles.
Cette attitude est faite pour se protéger et pour tester la relation avec l’autre : « Le postulat de base se résume ainsi : si celui à qui je parle me supporte alors que je déballe mon vrai moi, y compris les faces négatives de ma personnalité, c’est que j’ai rencontré un véritable ami. » Ces adultes se comportent comme les enfants insupportables qui se montrent sous leur jour le moins agréable pour voir si leurs parents les aiment vraiment.
Pour conclure, nous dirons que l’angoisse sous-jacente de ceux qui en disent toujours trop c’est : « Est-ce que je suis digne d’amour et d’estime ? »
« Celui qui sait ne parle pas,
celui qui parle ne sait pas. »
La Voie et sa vertu : Tao-tê-king de Lao-Tseu